Ce soir, j’ai envie de vous écrire. Peut être après avoir lu le mot de Capucine à ses amis ? Grâce à mon ami « et si vous osiez » ? Après voir vu cette photo sur le mur de Vlady ?
Une jeune femme, dos dénudé. Pour seul vêtement un jupon. Magestueux. Sans doute celui que porte Alice aux Pays des merveilles. Celui dont je rêve enfant, un jupon de princesse à mes yeux.
Une femme fine, frêle. Une jeune fille qui devient femme. Elle porte son rêve d’enfant accroché à sa taille. Un jupon cheminant jusqu’à ses chevilles. Un cache sexe. Il peut nous dire "Non, je ne veux pas grandir." Un dos qui ne livre pas ses seins.
Petite, je veux être Petit Rat de l’Opéra. De plus, ma mère me dit que j’ai la corpulence, taille moyenne et en prévision, peu de seins. Lorsque nous faisons l’acquisition d’une télé, elle regarde les ballets et moi avec. Noirs et Blancs. Elles sont là gracieuses, princesses dans leur juste au corps et tutu. De jeunes oiseaux. Alors je me lève et je danse, je suis petit rat de la maison. J’ai un tutu et des chaussons à pointe. Rose pâle.
Je grandi.
En 6ème, je veux devenir psychologue. Je pose des tas de questions à la maison. Ma mère où mes sœurs sourient. «Tu as le temps, tu verras çà en première, quand tu feras de la philo ». C’est long de grandir. Attendre pour savoir. Le secret des grands.
Le secret, j'en comprends le sens aujourd’hui. Il y en a plusieurs mais un seul, à mes yeux, doit retenir mon attention.
Pourquoi nous évertuer à nous centrer sur nos souffrances ? On a mal, c’est la fin du monde. On est foutu. Plus rien ne nous arrivera de bon. Nous sommes punis par là où nous avons fautés. Et l'on s’accroche. Je m’accroche à ma douleur sinon je tombe. Je suis funambule. Oui, je préfère souffrir plutôt que d’affronter le, mon vide.
Venez et effectuons le chemin inverse.
J’ai peur du vide, je ne serai jamais funambule. Pourtant, ce vide, sous mes pieds, m’attire. Stop. Regardez l’envers des choses. J’ai ma douleur et j’ai ma joie. Et si je me centre sur ma joie.
Oh un oiseau, là, perché sur la branche. Jeune rouge gorge, lui non plus n'est pas sorti de l’enfance. Tiens? si je m’accroche à cette image. Elle est douce, elle augure l’arrivée du printemps. Elle danse, fragile, délicate.
Le secret : Maître de notre destin, nous sommes.
Seulement bien souvent on ne l’apprend que trop tard, jamais. Quête de son miroir sans tain. Pourquoi ce secret ? Pour préserver l'enfance ?
Mes parents divorcent, j’ai onze ans. Le miroir se casse la gueule. Il est déjà bien abîmé. Et puis comme si un divorce ne suffisait pas, ils se rabibochent. Et l'obscurité revient. Scènes de disputes pouvant aller jusqu’à l’agression physique.
Les petits rats d’opéra n’existent pas. Seulement des images à la télé ?
Pourtant une fois j’ai bien failli les rencontrer. Je parle à une amie de ce rêve. Je dois avoir 11 ans. Ni une, ni deux, elle m’obtient, par l’intermédiaire de sa mère, d'entrer chez Mme Varova. Un beau cadeau. Seulement voilà si j’habite un quartier bourgeois, nous ne le sommes pas. Un père mécano, une mère assistante sociale. Huit gosses. Un viager sur le dos. Pas de départ en vacances. Dispersés chez les grands mères ou en centre de loisirs, toujours dans le coin. La mer jamais vue.
Aucun d’entre nous ne pratique une activité extra scolaire. Innocente, je rentre à la maison et m’empresse de raconter cela à ma mère. Si elle est d’accord, je peux suivre des cours de danse classique avec Madame Varova, très réputée sur la ville, d’une exigence démesurée.
Et là, ma mère de me regarder et me dire « tu sais le prix que ça coûte ? ce n’est pas possible. » Droit au but, débrouille toi avec ça pour comprendre. Ah c’est vraiment vrai, nous sommes les pauvres dans un quartier de nantis, dans une école de nantis. Merde alors. Et que vais je dire à cette camarade « Mes parents n’ont pas les moyens ? Ma mère refuse, que vais-je lui dire…et puis j’ai tellement envie d’y aller. »
En 6ème, je commence à comprendre ce qui se passe autour de moi. Je ne serai jamais Petit Rat. Il y a des gens qui ont de l’argent. Beaucoup. Il y a ceux qui calculent pour y arriver, il y a ceux qui n’ont rien à calculer. Ceux là ont loupé la perpendiculaire. Ils sont restés parallèles.
...à suivre